Entretien
Yefri Benzerga, président de l’association des Algériens de Charente Maritime : « La montée du racisme et de l’islamophobie en France est une réalité que subissent de plein fouet de nombreux Algériens »
Dans cet entretien Yefri Benzerga, dont l’association est très active et très présente sur le terrain, déroule pour nous ce que devraient être les objectifs immédiats et lointains de la diplomatie algérien sur fond de sa belle victoire sut les barbouzes et agents corrupteurs du Makhzen. Il revient surtout sur l’enfer qu’est devenue la vie des Algériens et des Musulmans en France à cause de la montée en flèche de la xénophobie et de l’islamophobie. Pour lui, une des parades pourraient et devrait venir des membres de l’Observatoire de la Société Civile activant en France.
La Patrie News : Tout d’abord, une réaction face à la victoire de l’Algérie dans son bras de fer diplomatique avec les Maroc au niveau de l’UA. Sachant que le Makhzen use et abuse de méthodes non conventionnelles, comme la corruption et le chantage, peut-on en conclure que notre diplomatie est bel et bien revenue en force sur les devants de la scène régionale et mondiale ?
Yefri Benzerga : Tout d’abord permettez pas à travers vos colonnes de féliciter notre pays et notre diplomatie suite à l’élection de l’ambassadriceSelma Malika Haddadià la vice-présidence de laCommission de l’Union Africaine qui constitueune nouvelle victoire diplomatique pour l’Algérie, confirmant son influence grandissante depuis l’élection du président TEBBOUNE et son engagement indéfectible en faveur des principes fondamentaux de l’UA. Ce succès traduit la reconnaissance des États africains envers la diplomatie algérienne, qui s’appuie sur le respect du droit international, la souveraineté des nations et le rejet des ingérences extérieures.
Face aux tentatives récurrentes du Makhzen d’instrumentaliser les institutions africaines par des pratiques contraires à l’éthique diplomatique, l’Algérie a su imposer sa vision fondée sur la légitimité et la coopération solidaire avec ses pairs africains. Cette élection démontre que notre diplomatie est non seulement de retour sur le devant de la scène régionale et mondiale, mais qu’elle joue un rôle moteur dans le renforcement de l’unité africaine et la préservation de l’indépendance décisionnelle du continent. Plus que jamais, l’Algérie s’affirme comme un acteur clé du multilatéralisme africain, porteur d’une voix crédible et respectée par tous.
Selon vous, quelles devraient être les défis immédiats et lointains de notre diplomatie, fermement attachée à la défense des causes sahraouie et palestinienne ?
La diplomatie algérienne, fidèle à son engagement historique en faveur des causes sahraouie et palestinienne, doit relever plusieurs défis stratégiques à mon avis et ceux à court et long terme afin de préserver la légitimité de ces luttes et de renforcer leur reconnaissance internationale.
Défis immédiats :
Il faut profiter de notre présence au sein du conseil de sécurité des nations unis et consolidation du soutien international : Intensifier les efforts diplomatiques pour mobiliser un consensus plus large au sein des instances internationales, notamment l’ONU, l’Union Africaine et la Ligue arabe, afin de garantir l’application du droit international en faveur des peuples sahraoui et palestinien.
Lutte contre les tentatives de normalisation illégitime : Face aux manœuvres visant à enterrer la cause palestinienne et à légitimer l’occupation du Sahara Occidental, l’Algérie doit jouer un rôle central en rappelant l’illégalité de ces démarches et en encourageant une mobilisation internationale contre elles.
Dénonciation des violations des droits humains : Accroître la pression sur les puissances occupantes en mettant en lumière les abus et en exigeant des comptes à travers les mécanismes internationaux de justice et de droits de l’Homme.
Défis à long terme :
Renforcement des alliances stratégiques : Tisser des relations diplomatiques solide et surtout pragmatiques avec des pays et blocs influents partageant les mêmes principes, afin de garantir un soutien constant aux revendications sahraouie et palestinienne.
Institutionnalisation de la reconnaissance des deux causes : Promouvoir l’inscription de la question sahraouie et palestinienne comme priorités permanentes dans l’agenda des organisations internationales, afin d’empêcher leur marginalisation dans le débat géopolitique mondial.
Soutien au développement et à l’autonomie des peuples concernés : Aider à la structuration des institutions sahraouies et palestiniennes en soutenant leurs gouvernements légitimes et en plaidant pour leur autonomie économique et politique et même les aider militairement.
L’Algérie, de par sa constance et sa fermeté, doit continuer à être la voix des peuples opprimés et à jouer un rôle moteur dans la construction d’un ordre international plus juste, fondé sur le respect des droits des peuples à l’autodétermination.
La construction de l’Algérie nouvelle est en phase de parachèvement, quelle y sera la place et le rôle des Algériens de France ?
La construction de l’Algérie nouvelle repose sur l’inclusion totale de toutes ses forces vives de la nation, en Algérie comme à l’étranger. Les Algériens de France, et plus largement de la communauté nationale à l’étranger, sont une composante essentielle de la nation et doivent être considérés à part entière, sans distinction ni sentiment d’exclusion.
Par exemple leur double appartenance, loin d’être un frein, constitue une richesse stratégique pour l’Algérie. Grâce à leurs compétences, leur réussite dans divers domaines (science, économie, culture, politique) et leur influence dans leurs pays d’accueil, ils peuvent contribuer activement au développement du pays sur plusieurs axes :
- Transfert de savoir-faire et d’innovation : Les compétences algériennes à l’étranger, qu’elles évoluent dans la haute technologie, la médecine, la recherche ou le commerce, peuvent être mises au service du progrès national à travers des partenariats concrets.
- Investissements et développement économique : En facilitant les opportunités pour la diaspora, l’Algérie peut bénéficier de ses ressources financières et entrepreneuriales pour renforcer son tissu économique.
- Influence diplomatique et politique : Une communauté forte et mobilisée peut peser sur les décisions politiques des pays d’accueil en faveur des intérêts algériens, notamment à travers le lobbying, les élections locales et nationales, et la représentation médiatique.
L’Algérie doit ainsi adopter une stratégie proactive pour renforcer le lien avec sa communauté à l’étranger, en lui accordant une place digne et en reconnaissant son rôle central dans l’avenir du pays. Cela passe par la fin d’une approche culpabilisante concernant la double nationalité et par la promotion d’une citoyenneté inclusive, qui valorise chaque Algérien, où qu’il soit. L’Algérie nouvelle se construira avec tous ses enfants, sans distinction ni marginalisation et elle est sur la bonne voie.
Comment vivez-vous en France cette montée en puissance du racisme et de l’islamophobie ?
La montée du racisme et de l’islamophobie en France est une réalité que subissent de plein fouet de nombreux Algériens et citoyens d’origine algérienne. Cette hostilité, alimentée par certains discours politiques et médiatiques, vise à marginaliser une partie de la population en remettant en cause ses droits fondamentaux et son appartenance à la société.
Face à cette situation, l’Algérie ne peut rester silencieuse. L’Observatoire National de la Société Civile, à travers ses représentants de la communauté nationale en France, a une responsabilité historique dans la défense des intérêts des Algériens à l’étranger. Cet organisme doit être en première ligne, dénonçant avec fermeté les discriminations, interpellant les instances françaises et internationales, et mobilisant la communauté pour défendre son image et ses droits. D’autant que le Président de la République leur a confié une mission capitale : être les porte-voix et les représentants de la composante de la société civile Algérienne de l’étranger, défendre l’Algérie contre les attaques et promouvoir son influence dans le débat public. Ce mandat est une marque de confiance qui exige une implication totale, une présence active dans les médias, dans les institutions et auprès des citoyens.
Les défis sont grands, et l’Algérie est plus forte et ne peut se permettre d’avoir une représentation de la société civile passive. Les membres de l’Observatoire représentant la communauté nationale en France doivent être à la hauteur de leur nomination, honorer la confiance du Président de la République et mener un travail de terrain efficace et structuré. Il il faut agir, défendre l’Algérie, répondre aux attaques, sensibiliser la communauté et peser dans les décisions des pays d’accueil.
L’Algérie n’abandonnera jamais ses enfants et continuera à être une force protectrice pour sa communauté. Mais elle attend en retour que ceux qui ont été investis de responsabilités soient dignes de leur mission et fassent honneur à leur patrie.
Entretien réalisé par Mohamed Abdoun
N.B : Yefri Benzerga est président de l’association des Algériens de Charente Maritime. Très engagé dans la défense de la cause palestinienne et de l’image de l’Algérie en France, il est un membre actif du CNASPS (Comité National Algérien de Solidarité avec le Peuple Sahraoui).